Sébastien Gil

Face à un monde divisé, l'unité de l'Église

Sébastien Gil - 11/02/2022

Le monde n’a jamais autant été divisé qu’aujourd’hui. Les puissants assoient leur pouvoir grâce à la désignation de boucs émissaires contre lesquels les peuples sont priés de se liguer, et les idéologies de victimisations à la mode n’ont de conséquence qu’encore plus de division, de peur les uns des autres et de haine entre bourreaux présumés et victimes supposées. La situation est telle que plusieurs commentateurs craignent que certaines nations civilisées et jusque là relativement épargnées par la violence puissent sombrer prochainement dans des guerres intestines et à terme le chaos total. Face à ce constat, on peut se demander si l’Église est épargnée par ces conflits internes et quel rôle peuvent et devraient jouer les chrétiens dans un tel climat de méfiance, d’accusation constante et d’instabilité.

Nous savons que Jésus nous a enseigné de nous détourner de notre offense par le pardon, pour la réconciliation et l’amour. C’est un acte d’abandon dont le monde est incapable car il n’a pas connu l’amour de Dieu, il incombe donc à l’Église de Jésus-Christ de montrer l’exemple. Qu’en est-il réellement ?

« Aimez-vous les uns les autres »

Le Seigneur nous a donné un commandement nouveau en ces termes : « Aimez-vous les uns les autres. Oui, comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres.» (Jean 13:34-35). L’apôtre Jean ajoutera : «Si quelqu’un prétend aimer Dieu tout en haïssant son frère, c’est un menteur. Car s’il n’aime pas son frère qu’il voit, il ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas.» (1 Jean 4:20).

Certains chrétiens et beaucoup d’entre eux en position de conduite spirituelle dans le corps de Christ, s’arrangent indéniablement avec ces dernières paroles. « Pour aimer son frère qu’on voit, il faut le voir », se disent-ils et ils pensent assez logiquement que s’ils ne voient pas leurs frères et sœurs d’autres dénominations, ils sont dispensés de les aimer, ou alors que s’ils pouvaient les aimer sans jamais les voir, ils ne s’en porteraient pas plus mal. Certains mêmes vont jusqu’à s’arroger le droit de décider qui sont leurs frères et sœurs, au critère à peu près invariable que les élus sont sous leur contrôle ou dans un système de contrôle dont ils sont un élément clé.

Ces systèmes peuvent prendre des formes différentes suivant les milieux chrétiens dans lesquels ils existent, j'en donnerai ici quelques exemples : pour certains ce sera la doctrine et les enseignements dits (vraiment) bibliques, eux seuls ayant la pleine compréhension des Saintes Écritures, pour d'autres ce sera la présence requise à tous les offices religieux de la semaine, l'amour pour Dieu étant proportionnel au temps de présence, ne laissant parfois aux fidèles pas le temps nécessaire de se retrouver en famille pour prendre soin de celle-ci ; pour d'autres encore ce sera la menace de se voir refuser l'accès aux sacrements ou bien aux services dans l'église sur la base de propos rapportés ; enfin pour d'autre, ce sera l'obéissance (ou redevabilité dans certains mouvements) absolue dûe aux conducteurs en dépit de comportements ouvertement abusifs. Cette liste n'est pas exaustive. Les doctrines, l'étude de la Bible, la présence aux réunions, l'obéissance et la discipline ne sont pas mauvaises en soi, bien au contraire, lorsqu'elles sont équilibrées et exercées dans un contexte d'amour fraternel, de confiance et de soumission mutuelle.

Certains arrivent à s’extirper de ces systèmes iniques, souvent au prix de nombreuses souffrances et du rejet d'une grande partie de leur communauté. Ils sont qualifiés en interne du doux nom de « rétrogrades », pour enlever l'envie à d'autres de les imiter. Il y aurait tant à dire sur les dérives sectaires alimentées entre autres par le dénominationalisme et le cléricalisme, mais j'arrêterai là car mon propos porte sur l'unité.

Le commandement donné par Jésus n’est pas de tolérer l’autre en attendant qu’il tombe d’accord avec nous sur l’ensemble des croyances qui constituent notre théologie, qu'il assiste enfin à toutes les réunions, qu'on en ait des échos irréprochables et unanimes, ou qu'il nous obéisse au doigt et à l'oeil afin de pouvoir enfin envisager de songer à l’hypothèse éventuelle de pouvoir peut-être un jour l'aimer. Le commandement est de nous AIMER de l’amour de Christ. C’est-à-dire d’un amour total, sans condition, ni contrepartie. Or on ne peut pas bien aimer quelqu’un qu’on ne connaît pas bien. Cela suppose a minima de rencontrer régulièrement nos frères et sœurs d'autres dénominations et de faire connaissance même quand notre appel premier est envers notre église locale.

Connaitre Jésus

Dans sa prière sacerdotale, la dernière qu’il nous a laissée avant de mourir sur la croix pour les impies que nous étions TOUS, Jésus a demandé à son Père que ses disciples soient un, comme tous les deux sont un. C’est une unité spirituelle produite par l’Esprit d’unité, et c’est le même Esprit qui se chargera de convaincre les uns et les autres de péché, de justice et de jugement selon son bon vouloir. Je ne serai pas celui qui me mettrai sur le chemin de l’accomplissement de cette prière du Fils au Père en divisant l’épouse du Christ. Ut unum sint !

Si ma théologie me dit que seuls ceux qui pensent exactement comme moi appartiennent à la véritable Église et seront sauvés, alors je n’adore pas la Parole de Dieu faite homme, mais ma propre parole faite dieu. C’est la définition de l’idolâtrie. Dieu ne peut pas être entièrement d’accord avec toi, c’est impossible !

La question n’est pas de savoir si telle dénomination ou telle autre a la vérité, la Vérité est une personne et c’est Christ. Il est au-dessus de tout car toutes choses ont été créées par lui et pour lui. Qui croit pouvoir le posséder comme on possède un bien matériel et l’agiter au nez des autres comme une menace de damnation est victime de ses propres penchants et esclave de son propre orgueil. Non, la véritable question est : est-ce que je connais la Vérité ? Et surtout, est-ce que je suis connu par elle ? Connaître n’est pas synonyme de savoir. L’on sait des informations, mais l’on connait quelqu’un parce que l’on a une relation personnelle et vraie avec cette personne.

Lorsque chacun de nous aura achevé sa course terrestre et arrivera devant le Père et le Fils à sa droite, il ne passera pas un examen de doctrine ou d’exégèse biblique, on ne lui demandera pas combien de temps il aura prié en langues, ou quelle est son eschatologie. La question qui retentira dans l’infini de la sainte et pure présence divine sera : « On se connaît ? » («Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ.» Jean 17:3, « … Je ne vous ai jamais connus… » Matthieu 7:23). Mon désir est que la réponse à cette question soit « oui » pour le plus grand nombre, le reste m’importe peu. Cette relation commence ici et maintenant.

Convertissons-nous

La vraie unité n’est possible qu’au milieu de personnes engagées dans cette relation intime avec le Sauveur, relation rendue possible grâce à l'alliance établie entre le Père et le Fils et scellée par l'effusion du sang de ce dernier. Relation exclusive donc, mais aussi universelle, dans la verticalité et l’horizontalité de la croix, car si nous aimons Jésus nous devons aussi aimer son épouse pour laquelle il a donné sa vie.

TOUTE son épouse, présente dans une multitude d’endroits, parlant des langues différentes, adorant et rendant hommage au Seigneur de multiples manières, le louant dans des styles de musique divers et oui, aussi, ayant des croyances qui peuvent parfois nous paraître étranges voire étrangères.

Encore une fois le commandement est de nous AIMER, le Saint-Esprit se charge du reste, tout en sachant qu’il ne s’agit pas pour les évangéliques de se convertir au catholicisme, pour les catholiques à l’orthodoxie, pour les calvinistes à l’arminianisme, pour les pentecôtistes au baptisme, pour tous les susnommés au judaïsme messianique ou que sais-je encore ! Tous ces noms sont humains et ne se trouvent même pas dans la Bible.

Mais tous ensemble, nous sommes invités à nous convertir encore et encore, à réformer nos cœurs par la méditation de la Parole de Dieu, à être transformés à l’image du Christ par le renouvellement de notre manière de penser, dans la communion avec son Esprit, «jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ,» (Éphésiens 4:13) pour révéler son amour à ce monde perdu, languissant et abattu qui ne connait pas le bon berger. Mais cela ne peut se faire que si nous sommes capables de dépasser ce qui nous divise et nous retrouver gratuitement, entre frères et sœurs, dans la présence du Christ, pour apporter à l’autre ce qui est de Lui en nous.

L'unité par l'Esprit

L’unité n’est pas une mode passagère, c’est l’origine, le présent et la destinée finale de l’Église, il n’y a pas d’Église sans unité. L’amour que nous nous portons les uns aux autres nous pousse à devenir les artisans d’une paix qui se révèle être un ouvrage auquel on doit travailler plutôt qu’un état fragile de confort tout relatif qu’on doit sauvegarder à tout prix, y compris au prix de l’amour. Les gardiens de la paix sacrifient l’amour sur l’autel du confort, les artisans de paix sacrifient leur confort personnel sur l’autel de l’amour, dans la mort à soi-même à laquelle nous enjoint le Christ, à sa suite, au travers du baptême.

L’unité n’est pas une option et tout chrétien qui croit pouvoir s’en passer non seulement perd son confort mais en plus se place lui-même hors de portée de l’amour de ses frères et sœurs. Quelle funeste perspective. On ne peut pas lutter indéfiniment avec Dieu.

L’unité n’est pas l’affaire de quelques-uns. Des pionniers ont œuvré dans cette voie depuis de nombreuses années et ont payé un prix élevé de jugement, de diffamation et de rejet de la part de nombreux chrétiens et aussi, force est de le reconnaître, d’un certain nombre de faux frères. La récompense céleste de ces valeureux disciples du Maître ne sera pas volée. Mais le temps est déjà venu où de nouveaux conducteurs et de simples croyants a priori complètement étrangers à cette question goûtent à cette grâce d’un amour fraternel gratuit, sans arrière-pensée et sans volonté de contrôle de l’autre. Ils ne reviendront pas en arrière, même pour tout le confort d’une tour d’ivoire sans porte ni fenêtre. Ces nouveaux « convertis » à l'unité ne viennent pas remplacer les anciens dans une lutte de pouvoir, tel Absalon voulant renverser David, comme cela se passe dans les milieux régis par la peur et l’esprit politique. Au contraire, les uns sont donnés aux autres afin de propager ce mouvement d’amour qui prend sa source dans le cœur du Père, coule par le côté droit percé du temple qu’est le corps de Jésus, sous l’autel de son cœur, et est porté et amplifié par l’Esprit dans un fleuve d’amour et de joie qu’il est maintenant impossible de traverser sans en être entrainé par le courant.

Toute personne humaine a été créée par amour et est ainsi appelée par le Christ à entrer dans cette relation avec son Dieu, par la rencontre immersive dans le Saint-Esprit. De même, les églises sont appelées à se rencontrer et à s’immerger ensemble dans la personne même de Dieu qui est Amour afin de pouvoir mieux s’aimer les unes les autres.

Le réveil

Oui le monde est désuni mais il y a un reste de disciples du Christ éparpillés dans des dénominations qui étaient jusque-là cloisonnées et qui ont commencé à se rencontrer et à vivre le pardon des offenses passées, la réconciliation et l’amour fraternel dans la présence manifeste de Jésus par l’action de son Esprit Saint. Ce reste constitue les prémices du réveil prochain qui est déjà là et qui déferlera très bientôt sur la France et le monde entier. Ce réveil sera marqué par l’humilité, la douceur, la patience et l’amour fraternels qui sont les piliers de l’unité de l’Esprit, unité dont le lien est la paix. Ces chrétiens renouvelés montrent au monde la voie de la réconciliation. Il revient à chacun de faire le choix qui s’impose, assisté de l’Esprit Saint.~

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